Six disques de Jazz pour appréhender cette musique - épisode 1 - 1959 : Kind of Blue, Miles Davis

Un collègue me demandait par quels disques commencer pour prendre le taureau jazz par les cornes (oui, la métaphore est de moi).

Difficile question tant cette musique est variée (New Orleans, West Coast, Cool, BeBop, New Bop, fusion, jazz-funk, manouche etc…) et tant les musiciens se retrouvent impliqués dans de multiples projets très différents, soit en tant que leader, soit en tant que sideman, soit en tant qu’acteur pour un projet de type super groupe.

Que choisir ? Mes disques préférés ? Les disques les plus célèbres ? Les meilleures ventes de l’hitoire du jazz ? Un peu des trois en fait. La liste que vous trouverez ci-après est donc un mélange de ce que j’aime, de ce qui est représentatif des multiples visages du jazz et des disques reconnus comme étant des pierres angulaires.

Tout d’abord, commençons par l’indispensable chef d’oeuvre de Miles Davis : Kind of Blue (1959).

1959 : Kind of Blue, Miles Davis

1959 : Kind of Blue, Miles Davis

En effet, difficile de commencer une liste des bons disques de jazz sans évoquer celui qui est reconnu de tous comme étant absolument indispensable.

Dans l’histoire du jazz, il y a deux périodes principales : avant Kind of Blue et après Kind of Blue. Pourquoi dire cela ? Tout simplement parce que ce disque a influencé la plupart des disques qui ont suivi et que chacun s’est mis à jouer différement de son instrument après l’avoir écouté.

Musicalement, c’est le disque dit de la révolution modale, c’est à dire qu’on pense la musique en modes (ou en couleurs) plutôt qu’en notes (et en gammes). C’est également le disque de la rupture avec le BeBop (mouvement dominant dans le jazz de l’époque : le maître du genre est Charlie Parker, alias Bird) qui agaçait Miles (et qui rebute de nombreuses personnes qui refusent d’entrer dans le jazz à l’écoute de cette musique difficile) : la complexité harmonique des grilles et la vitesse du tempo nuisant selon lui à la créativité et le plaisir de jouer. En effet, le disque est assez lent avec des grilles harmoniques simples, laissant une grande part à l’improvisation et à l’ambiance. La phrase-clef qui résume ce disque (et la musique de Miles en général) peut se résumer à cette citation de Miles lui-même :

Pourquoi jouer tant de notes alors qu’il suffit de jouer les plus belles ?

Les membres du groupes qui accompagnent Miles sur ce disque sont tous des pointures que l’on retrouve sur de nombreux autres disques de jazz majeurs. C’est le quintet historique de Miles, avec

  • au saxophone alto : Julian “Cannonball” Adderley
  • au saxophone ténor : John Coltrane
  • au piano : Bill Evans (Wynton Kelly sur un titre)
  • à la (contre)basse : Paul Chambers
  • à la batterie : Jimmy Cobb

Ces musiciens extraordinaires ignoraient au moment de l’enregistrement ce qu’il allaient jouer : c’était là une habitude de Miles. Quand je dis que ces musiciens sont extraordinaires, il suffit de savoir que tous les morceaux de ce disques (sauf Flamenco sketches en deux prises) on été enregistrés en une seule prise ! C’est souvent le cas dans le monde du jazz, mais pour les habitués de la musique pop/rock, c’est assez impressionnant (combien de mois pour enregistrer Sergent Pepper ou A Night at the Opera?) Ici, seulement deux sessions (les 2 mars et 22 avril 1959) ont été nécessaires pour l’enregistrement du disque. Pas mal pour des mecs qui au départ ne savaient pas ce qu’ils allaient jouer avec Miles !

La plupart des morceaux de ce disque sont devenus des standards du jazz que tout musicien (de jazz) connait par coeur : All Blues (joué par tous les débutants), So What (cellebrissime tube, connu en dehors du jazz), mais aussi Blue in Green ou Freddie Freeloader sont tous des classiques, répertoriés dans le Real Book, la bible des jazzmen et inlassablement joués en jam session quand on ne sait pas quoi jouer.

C’est un album totalement indispensable, non seulement pour l’importance majeure qu’il a dans l’histoire de la musique et son influence, mais tout simplement parce que c’est un disque magnifique : c’est un oeuvre d’une beauté sans limite. Chaque écoute nous fait découvrir de nouvelles choses et apporte un peu de paix intérieure et de bonheur.

(en plus, on le trouve facilement bien remasterisé “à pas cher”, ce serait dommage de s’en priver)

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