Six disques de Jazz pour appréhender cette musique - épisode 3 - 1958 : Louis and the Good Book, Louis Armstrong
Voilà un disque de jazz par l’un des maîtres, le grand Louis Armstrong. Ce musicien tient une place toute particulière dans l’histoire du jazz car on le retrouve présent quasiment à la naissance de cette musique, au début du 20ème siècle. Si Louis Armstrong fait partie des rares stars du jazz (lisez ici connues du grand public), à l’instar de Miles Davis ou de Ella Fitzgerald, c’est en partie que son nom est totalement indissociable de cette musique : natif de la Nouvelle Orléans (berceau du jazz), trompettiste hors pair, chanteur reconnaissable entre tous (qui n’a jamais imité la voix de Louis Armstrong ?), acteur dans le premier film parlant (Le Chanteur de Jazz, justement)…
Mais son status de star est aussi lié à la qualité de la musique et à l’immense générosité du personnage (qui se lit sur son visage, qui s’entend dans sa musique, qui se lit dans ses actes) et à sa conscience politique intime (Louis était un des principaux soutiens financiers de Martin Luther King Jr. et d’autres activistes pour les droits civiques) malgré les critiques qui ont pu être levées à son égard (il a joué devant des publics ségrégués, et pour résumer, on l’a souvent accusé de trop vouloir plaire au public blanc, n’hésitant pas à propager les clichés racistes vis-à-vis du bon nègre). Enfin, c’est aussi grâce à lui que le jazz est passé du status de musique régionale à celui d’art sans frontière.
Tout au long de sa (longue) carrière, Louis a joué et mélangé tous les styles : New Orleans, Dixieland, blues, opéra jazz (Gerschwin), ou encore créole, sans oublier l’un des fondements de la musique jazz : le gospel. Et c’est justement d’un disque très inspiré du gospel dont il est question ici.
En effet, Louis and the Good Book (traduisez Louis et la Bible) est un recueil de 12 gospels (ou de spirituals). Ce n’est pas la première fois que Louis joue des gospels, mais ici il s’agit d’un disque entièrement consacré à cette musique spirituelle.
Les arrangements (signés King Oliver) sont somptueux : discrets mais immédiatement reconnaissables, la classe et l’élégance mélangés. Les musiciens qui entourent Louis (ses musiciens habituels plus un organiste) sont comme un aiguillon à l’inspiration du maître, visiblement touché par la grâce sur cet album.
Enfin, le choeur de 10 voix est absolument renversant (ah, l’introduction de Go down, Moses ! ou encore l’imitation du train dans This train ! ). Louis quant à lui chante à merveille et joue de la trompette (reprise des thèmes et superbes solos), comme à son habitude ; son interprétation est magistrale, toute en finesse, en douceur, tel un prédicateur inspiré, ouvert et compréhensif.
La plupart des chansons fait allusion à l’Ancien Testament, texte qui résonne pour le peuple noir américain comme un écho de sa condition de l’époque, anciens esclaves comme le furent les Hébreux en Egypte avant que Moïse de les libère. De manière générale, toutes les versions des gospels que Louis interprête ici (Nobody Knows The Trouble I’ Ve Seen, Go Down Moses ou encore Sometimes I Feel Like A Motherless Child) sont preque devenus les versions “officielles” de ces chants, en tout cas les meilleurs version à ce jour.
Ce disque est sublime et je le conseille donc vivement à toute personne voulant mettre un pied dans le jazz en l’attaquant par son côté gospel tout en commençant à apprécier les improvisations, composante essentielle du jazz, reflet de la liberté qu’est cette musique.
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